- … Et ça ressemble à des espèces de gros galets.La petite fille ouvrit grand les yeux. Elle avait d’immenses yeux bleus et une chevelure rousse éclatante. Elle était menue et habillée d’une robe longue jaune. Elle se tourna vers la fenêtre. Elle s’en approcha pour regarder par la vitre le jardin.
- Peut y en avoir dans notre jardin Grandpa ?L’homme rigola en se grattant la barbe. Il était plutôt grand, avait une salopette en jeans avec un t-shirt UFO et portait souvent une casquette noire. Il était assez gras et large d’épaule. Il referma son carnet bleu rigide avant de déclarer.
- Non ma puce, c’est très utile pour les extraterrestres. Ils ne les laisseraient pas traîner dans notre jardin. Surtout avec Mars qui traîne partout à mâchouiller tout ce qui trouve. Je sais pas à quoi ça sert mais je pense que ça marcherait moins bien avec de la bave de chien dessus.Une femme, grande, rousse avec un regard clair entra dans la cuisine en baillant. Elle sourit en voyant la petite accrochée à la fenêtre.
- Bon, va falloir songer à aller se coucher, hein Kara ?La petite fille se retourna et prit une mine triste. Elle s’approcha de son grand-père et s’accrocha à son bras avant de dire d’une voix se voulant attendrissante et toute petite :
- Encore un peu ‘man… Grandpa il me parlait des galets et tout…La femme sourit et la grand-père répliqua en tapotant le carnet.
- Il s’envolera pas celui-là Kara. Va dormir. Pour découvrir des extraterrestres il faut bien se requinquer !Il déposa un bisou sur le front de la petite fille. La barbe lui chatouilla le visage et la mère prit la petite fille dans ses bras pour aller dans sa chambre. Kara fit un petit signe de la main en direction du vieil homme qui lui répondit du salut de Spock.
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- Grandpa ?Elle s’approcha de la maison isolée et arriva devant la porte. Elle avait grandit et était au lycée maintenant. Elle portait une casquette de baseball et un sac à dos jaune. Elle monta les escaliers de la terrasse et écouta quelques secondes. La petite maisonnette était située en bordure de la ville, isolée. A un kilomètre de la rivière. Elle se pencha par la fenêtre pour observer l’intérieur. Dans le salon et la cuisine il n’y avait rien. L’homme ne devait pas être réveillé. La jeune fille jeta un coup d’œil sur sa montre. 4 PM… Il abusait là… Elle toqua fortement à la porte en bois. Rien. Elle soupira. Elle descendit de la terrasse et s’accroupit près de la deuxième marche pour en soulever une latte et prendre la clé cachée.
Elle ouvrit la porte et fut surprise des odeurs de moisies et de poussière. Il ne semblait plus faire aucun effort. Elle fit quelques pas à l’intérieur. Elle écouta un peu plus attentivement et perçu le ronflement sifflotant du vieux à l’étage. Elle monta les escaliers et ouvrit la porte de sa chambre pour y découvrir son très cher grand-père couché sur le ventre dans son lit, encore tout habillé avec de la terre sur els chaussures. Elle s’approcha et lui secoua un peu l’épaule pour le réveiller. Dans un raclement de gorge gras et humide il ouvrit finalement les yeux. Il se redressa en considérant la jeune fille rousse.
- T’es là tôt dit donc K’ !La jeune fille lui désigna son réveil matin affichant le milieu d’après-midi. Il dit un simple « oh » étonné et s’assit sur le lit avant de se passer une main sur le visage.
- Et ton père, il s’en sort comment ?- Comme toi.Il leva les yeux vers ceux de sa petite fille. Incroyablement clairs mais en ce moment ils étaient emprunt d’une dureté rare et presque adulte. Elle n’avait que 16ans et elle s’occupait de son père et de son grand-père comme si c’était son métier. Depuis la mort de sa mère dans un accident de voiture, les deux hommes restants de sa famille avaient simplement laissés tomber l’affaire, purement et simplement. Et ça, elle ne pouvait pas l’accepter. Alors elle e battait pour trois. Elle se redressa en disant simplement :
- Je vais mettre ton repas des 3 prochains jours dans le frigo. Après j’ai des devoirs à faire, je pourrais pas rester.Elle descendit les escaliers et alors qu’elle enlevait les tupperware de son sac pour les mettre dans le frigidaire du vieux, elle s’essuya les yeux pour cacher les quelques larmes qui lui étaient venues. Elle avait envie de hurler sur ces deux loques qui ne servaient plus à rien. Après tout, elle n’était pas la seule à avoir du mal avec la mort soudaine de sa mère. Ils n’étaient pas tout seuls et pourtant ils semblaient agir comme si cette situation était totalement normale. Elle termina sa tache et leva les yeux vers les escaliers. L’homme n’était même pas descendu pour lui dire au revoir. Elle repartit de la maison mais pas pour rentrer chez elle, croiser la deuxième larve et faire ses devoirs ennuyants… Elle alla à la rivière Pecos et resta au bord, couchée sur le dos à observer le ciel.
Ouai, y avait bien des choses qui venaient d’autre part. Peut être qu’ils allaient l’enlever et l’emporter loin. Peut être que c’était douloureux, peut être que c’était effrayant, mais ce serait peut être meilleur qu’ici. Et puis, la vérité c’était le plus beau cadeau du monde quand on y pensait. Elle resta ainsi à penser et à guetter le ciel jusqu’à la tombée de la nuit. Après, elle rentra, ne fit pas ses devoirs et prépara le repas pour son père affalé devant la télé.
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- Mademoiselle Cogburn ! C’était un homme extraordinaire !Elle hocha doucement la tête en rendant le sourire à la petite vielle. Elle scruta encore une fois l’assemblée du regard. Il ne s’était pas pointé cet imbécile. Elle voulait bien admettre qu’il n’était que le gendre du défunt, mais en mémoire de sa femme, de la mère de Kara, il aurait quand même pu penser venir à l’enterrement de son beau-père. En plus, il l’avait bien aidé lorsqu’il avait été dans la merde, lui donnant de l’argent et une maison juste après son diplôme d’architecte. Même si il était partit à Los Angeles, les avions n'étaient pas excessivement chers par rapport à ses revenus... La jeune fille posa ses yeux sur la tombe du vieux Rob Shellwood. Il était mort d’une manière atrocement pathétique, dans on vomi, dans sa merde, dans son alcool et dans son salon. Il aurait pu se noyer dans la rivière en étant rond comme un coin, ça aurait épargné à la jeune femme de le trouver comme ça.
La cérémonie fut simple. Rob n’était pas religieux et ne croyait qu’aux extraterrestres. La jeune femme rousse qui éclairait l’assemblée de sa chevelure et de ses yeux intrigants levait quelques fois son regard vers les gens inconnus, se demandant qui pouvait bien se cacher derrière eux. Des anciens aliens qui avaient connus son grand-père et qui lui avaient permit de tenir son petit carnet bleu annoté d’écrits étranges et illisibles la plus part du temps ? Peut être…
L’homme fut incinéré et ses cendres furent jetées dans la rivière. Il avait toujours voulu voyager, ben c’était chose faite. Il aurait certainement voulu voyager dans l’espace, dans un vaisseau spatial tout ça, mais il ne se contenterait que de la rivière à côté de chez lui. Tant pis. Il aurait pu rester en vie plus longtemps pour voir si sa chance aurait tourné. C’était stupide.
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- On ne touche pas s’il vous plait.La rouquine s’était approchée de la troupe de mioches obèses venant certainement d’un Eta paumé. Le plus grassouillet de la bande avait voulu serrer la main à un petit gris à côté de quelques résidus métalliques trouvés il y a plus de 40ans. Elle s’approcha et toisa le garçon de toute sa hauteur. Elle était de taille moyenne mais elle savait que ses yeux pouvaient avoir un effet persuasif terriblement efficace. Les yeux clairs et étranges étaient toujours sources de questionnement et d’angoisse pour certaines personnes. Ce gamin venait de se payer la Kara-méchante et ça ne devait pas être beau à voir. La jeune femme n’étant pas partisane de la violence, un regard direct et intimidant l’avait souvent sortis de galères.
A la fin de son service, elle entra dans la salle de repos et se fit un chocolat chaud. Elle sortit de son casier un paquet de marshmallow et les mit dans sa boisson chaude. Derrière elle, une voix s’éleva.
- Hey Doctor Think About It !La jeune femme sourit et se retourna vers l’homme qui venait de s’adresser à elle par son surnom et lui fit un signe de la main. Elle l’avait eu au lycée et le portait encore à cause de son habitude de ponctuer ses théories sur les extraterrestres de la célèbre phrase qui invitait à réfléchir plus en profondeur aux implications de telles explications. Elle s’entendait bien avec ses collègues mais la mort récente de son grand-père l’avait un peu refermée sur elle-même. Elle avait préféré la solitude maladive à la socialisation. Mais il fallait tourner la page… Et en parlant de page, il faudrait bien qu’elle se mette un jour à lire le carnet bleu de son grand père…